Thomas Muselet, qui êtes-vous ? d’où venez-vous ?
Je m’appelle Thomas Muselet, j’ai 45 ans ; je suis né dans le Nord à Haubourdin, près de Lille. Je suis photographe professionnel, je travaille principalement pour des artistes, clowns, magiciens, comédiens, musiciens… J’écris aussi des articles pour différents magasines de presse photographiques et je suis formateur en photo et en retouches numériques.
Quel est votre parcours photographique ?
Mon père étant féru de photo argentique, j’ai baigné très jeune dans l’univers des pellicules. Cependant mon parcours photographique a réellement commencé à l’armée en 2007; je travaillais dans les renseignements militaires de l’armée française, au sein du 13eme RDP, qui comportait une cellule de formation à la photo. A cette époque je n’étais pas photographe contrairement à mes compagnons de chambres et amis proches. Je continuais donc à côtoyer le monde de la photo grâce à mes compagnons d’arme qui m’ont initié au matériel spécifique et appris les bases du métier. Cette expérience m’a fortement intéressé et étant musicien de métier, j’ai commencé à photographier mes amis musiciens, entre autres pour leurs couvertures d’albums ; ce fut mon premier tremplin dans l’univers des artistes régionaux.
Quant à ma spécialisation dans la retouche numérique, je suis à 90% autodidacte ; j’ai appris dans les livres, sur internet et en observant les différentes techniques de confrères. J’ai « mangé » de la photo plusieurs heures par jour pendant trois ans ! Pour arriver enfin à mon niveau technique actuel. Ayant décroché plusieurs contrats auprès d’artistes du nord de la France, j’ai été sollicité par la presse spécialisée pour écrire des articles, ce qui a étendu ma réputation et mes contrats à la France entière. Aujourd’hui je travaille même à l’étranger ; cette année j’ai obtenu un contrat aux USA ainsi qu’à Taiwan comme assistant sur un projet important.
Quelles sont les inspirations qui guident votre travail ?
Je parlerai d’une inspiration artistique générale, à savoir que je m’inspire en premier lieu de toutes les techniques graphiques existantes et que l’on peut observer dans la presse, les campagnes de publicité… Je suis toujours à l’affût des tendances, des modes, avec le souci d’analyser, de comprendre les techniques utilisées. Je suis aussi un adepte des films fantastiques qui multiplient les effets spéciaux ; de la vidéo à la photo la distance est courte en termes de travail sur l’image, de techniques d’éclairages et de mises en scène. Je m’inspire donc beaucoup du cinéma. Enfin, j’observe la vie de tous les jours, transformant des scènes anodines, détournant les objets, travaillant sans cesse les effets de couleurs et de mouvements.
Vos photos ont toutes cette même teinte irisée, un côté minéral très travaillé ; pourquoi ce choix ?
Il est vrai que toutes mes photos ont un aspect graphique lourd ; c’est mon principe de travail. Il y a les puristes du noir et blanc, les adeptes de la simplicité, chez moi c’est l’inverse, très colorisé, très brillant, très contrasté, avec une tendance un peu cartoonesque… très Burlesque ! L’utilisation maximale des nouvelles techniques, avec un gros travail d’inversion des contrastes et des lumières, donne cette teinte un peu métallique à laquelle vous faites allusion et un petit côté HDR traité avec des couleurs fantastiques. Cet effet de mode passera peut-être, il se peut qu’un jour je revienne au noir et blanc, mais pour l’instant c’est mon style.
Même si on reconnaît dans votre travail une certaine unité esthétique, chaque photo nous emmène dans des univers très différents ; pour vous quel est le rôle de la photographie et quelle est votre démarche artistique ?
La photographie sert à figer le temps, à créer une émotion, à capturer un souvenir en quelques secondes ; et justement grâce à l’aspect colorisé et technique pour lequel j’opte, on arrive à créer de surcroît un univers particulier à partir de choses simples. Je prendrai pour exemple un portrait de petite fille auquel on ajoute une ambiance, faisant naître une émotion qu’on n’aurait pas en regardant un portrait classique en studio. Ma démarche artistique est justement de créer un univers propre à chacun, de servir le modèle en trouvant l’harmonie parfaite entre sa photo et les effets choisis : un effet de couleur, de lumière, de mouvement, d’arrière-plan, ou encore un effet magique ! Cette démarche artistique correspond particulièrement aux artistes qui ont un univers bien marqué ; j’adapte clairement à chacun les techniques possibles et les styles : une teinte, une caricature, une mise en scène…
Vous semblez très attiré par des thèmes oscillant entre le fantastique, le difforme et finalement l’extraordinaire : des magiciens, des bodybuilders… des compositions très visuelles ; pourquoi ces thèmes ?
Pour moi qui aime créer des univers, c’est un avantage d’avoir des modèles qui ont un univers propre, comme je l’ai mentionné juste avant ; de plus, un magicien manipulateur de cartes n’évolue pas dans le même univers qu’un illusionniste jouant avec le feu. Cette richesse nourrit mon travail, de même que ma photo va mettre en valeur le monde dans lequel évolue l’artiste en respectant ses particularités. Chaque portrait propose donc un univers à la fois très concret et fantastique, souvent façonné par mes propres références cinématographiques : George Lucas, James Cameron, Steven Spielberg…
Comment travaillez-vous ? De l’idée au shooting en passant par les retouches finales, quelle est votre étape préférée ?
Prenons l’exemple d’un magicien qui vient au studio me commander une affiche pour son prochain spectacle. Je commence toujours par un entretien lors duquel j’accumule un maximum d’informations sur le client et qui nourriront mon travail créatif par la suite : sa spécialité, le matériel qu’il souhaite voir apparaître sur la publicité, la cible commerciale, ses couleurs préférées et s’il souhaite un style particulier, du mouvement, un fond… Bref, je crée un cahier des charges par téléphone ou en meeting qui me sera très utile. Puis nous parlons du coût de la réalisation, les tarifs variant selon la complexité du travail. Lorsque le devis est validé, je crée, en fonction du cahier des charges, des maquettes assez grossières à base d’éléments que le client m’a donnés et d’autres trouvés sur internet, comme un story-board au cinéma, pour permettre au client de visualiser mes propositions : là il y aura une voiture qui vole, là un piéton qui passe… Je propose souvent deux ou trois idées et une fois que l’une des maquettes est validée, le rendez-vous est pris pour la séance photo se déroulant généralement sur une journée ; à la sortie de cette séance on sélectionne ensemble les photos qui seront utilisées pour l’affiche, pour éviter toute surprise. Je commence ensuite les retouches qui s’étalent sur une à trois semaines, sachant que les compositions complexes demandent entre dix et vingt heures de travail, avec des allers-retours au client qui valide ou non, jusqu’à la remise sur support numérique de la création finie ; ainsi le client exploite comme il le souhaite le fichier.
L’étape que je préfère est la recherche d’idées ; c’est complexe, stimulant, excitant même ! J’aime aussi le moment où j’arrive au résultat final qui peut être partagé avec le client mais aussi sur mon site avec la satisfaction du travail réussi.
Parlez-nous de votre série des frigos ; comment est venue cette idée ? Avez-vous vous-même scénarisé les shooting ou est-ce l’univers de chacun des modèles qui est traduit ici?
La série des frigos est un projet personnel composé à ce jour de trente-neuf photos et qui sera finalisé cette année. L’idée vient de l’observation suivante : le contenu d’un frigo varie étonnamment d’une personne à une autre et en dit souvent long sur le mode de vie ou la personnalité de son propriétaire ; j’ai donc poussé cette constatation à l’extrême en recréant l’univers propre de chaque modèle à l’intérieur du frigo qu’il ouvre. On retrouve dans l’idée et la mise en scène le côté fantastique et burlesque propre à mes créations. J’ai choisi des protagonistes à l’univers professionnel déjà bien marqué, point de départ d’une surenchère de détails délirants autour d’une base alimentaire restreinte. Techniquement le projet est intéressant car chaque séance possède la même configuration en studio pour un résultat chaque fois très différent. J’ai scénarisé les shooting en partenariat avec les protagonistes qui amenaient selon mes directives un maximum d’accessoires, prenant parfois des initiatives judicieuses auxquelles je n’avais pas pensé. Le jour de la séance, une fois les accessoires placés de manière satisfaisante, je trouvais toujours une petite mise en scène burlesque, une expression, une action, pour ajouter une touche rigolote ou extrême à l’ambiance créée.
Quelles retouches effectuez-vous le plus souvent ?
La première retouche est un gros travail de traitement de fichiers RAW, qui sont en quelque sorte les négatifs numériques ; Vient ensuite le traitement des imperfections, à savoir les retouches de peau, la colorimétrie, les déformations… Puis je travaille les incrustations de faux décors, de personnages, d’accessoires, avec une prise en compte des ombres, du positionnement, de l’échelle, de la perspective, des couleurs… J’ajoute ensuite les effets de lumière et autres qui donnent à l’image un aspect fantastique, magique, colorisé… Enfin pour parfaire l’ambiance générale j’entreprends un traitement des contrastes, des couleurs et du grain.